Les Saintes-Maries de la Mer, 11 août 2013- Finito de Cordoba, Javier Conde, Daniel Luque/Lagunajanda
Grand soleil, brise marine, notre ami Gérarld à la présidence, air de fête et belle entrée. Hélas, cela a fait pschitt sans nous rafraîchir !
Des toros disparates mais convenables de trapio, tenant debout, mobiles à peu près 15 minutes, aux cornes commodes, et si cela ne suffisait pas très accommodées : la corne gauche du quatrième, destiné à Finito, s’achève, sans façon, rond et plat comme pièce de monnaie, et pas une de cinq centimes, vous pouvez m’en croire -vous vous souvenez des vieilles pièces de cinq francs, si larges, eh ben c’était ça ! Pour donner le change, on avait vernis les sabots des montures des agualziles, pimpantes comme chaussures de cérémonie d’un maquereau marseillais. Ce doit être cela, la corrida patrimoine immatériel de l’Unesco…
Javier Condé n’a rien fait sur son premier dont « la charge » brutale et courte ne pouvait lui convenir, ni sur son second, qui le déborde à la cape et sera massacré à la pique. Il avait pourtant l’air noble sur la gauche, mais c’était déjà trop tard pour Javier qui avait abandonné dès le début. Même la troupe de Diego Carrasco qui accompagnait cette corrida « flamenca » au chant et à la guitare en a eu le souffle coupé !
Finito de Cordoba a fait quelques jolis gestes à la cape et de muleta, surtout sur son second, le toro à la corne coupée : une trinchera très torera (si l’on peut dire compte tenu des circonstances…) et une série finale de derechazos, le menton dans le jabot, la tête penchée sur le toro, le corps suivant le mouvement, tignasse à la Beethoven dans le vent. Cela avait de l’allure ! Un peu comme au musée quand on se souvient des passions éteintes. Pour le reste, il faut fermer les yeux, comme sur son premier, « toréé » avec mille précautions en dépit de l’insigne faiblesse de son adversaire, sur des grincements de guitare mélancoliques. Passionnant comme les interludes de l’ORTF de notre enfance. Vous vous souvenez ? Le train qui passe avec ses petits wagonnets le temps de trouver le programme suivant. Et sur le quatrième, il a cherché longtemps et très vilainement la corne coupée, par naturelles aidées torchonnées, avant d’en trouver deux, trois qu’il a dessinées convenablement en enlevant l’épée, sans doute en remerciement des services rendus…
Dans ce marasme, Daniel Luque a tiré son épingle du jeu, certes avec le meilleur lot. Capeador brillant et suave, il est un muletero doué mais inégal qui cherche encore son style. Très belle série de la droite, la main basse, le geste lent, la passe étirée dans un mouvement élégiaque, artiste, puis des naturelles abandonnées, le corps très droit, une main morte tenant le bâton à l’oblique à la manière de Joselito; et avec ça, de fâcheux emprunts à tout ce que la tauromachie contemporaine nous offre de laid et de peu inspiré : ici cassé en deux sur son toro, là complètement fuera de cacho, passes à l’envers, adornos vulgaires. Il va falloir que ce petit jeune-homme choisisse son registre… Deux oreilles pour le plagiaire qui se cherche.
Au final, la banda de Diego Carrasco s’est trouvée assez largement inemployée. Une jolie scène cependant de dialogue à distance entre elle et Finito, manifestement affectionné, auquel une copla exaltée a été dédiée avant l’entame de son premier combat, Finito à la barrière, les armes à la main, écoutant, pénétré, son éloge, puis une fois le combat achevé, debout à la talanquera face aux musicos, sa légende. On peut certes se moquer, mais cette consolation là avait l’air précieuse au torero, le visage en sueur, inondé de ses peurs et éprouvé par la chaleur accablante. Après tout, le repos du guerrier est le repos du guerrier, même après les défaites.
NB/ Luque aussi a beaucoup transpiré, pas Conde. Doit être habitué aux grosses chaleurs…