A Michel F.
Tu étais paysan, mon ami, comme tu aimais le dire pour te moquer un peu de nous. Tu aimais la Formule 1 et les toros. Ayrton Senna et Morante. Morante d’ailleurs était une exception, car tu n’aimais guère les toreros punteros et les figuras. Tu n’aimais pas aimer comme tout le monde, comme les autres. Tu aimais aimer un peu tout seul, qu’on te fiche la paix sur les tendidos. Tu aimais la Maestranza et Las Ventas plus que Nîmes ou Arles. Parce que tu n’y connaissais pas tes voisins de rang et que tu n’étais distrait pas rien qui ne vienne du ruedo. Tu aimais Céret. Et question toreros, tu aimais les modestes qui toréent sans faire de bruit. Ceux qui ne se prennent pas pour des idoles, qui ne suscitent pas des fans, qui ne fabriquent pas des groupies. Tu aimais Fernando Cepeda et Miguel Abellan, Curro Diaz et Robleno, Fernando Cruz et Juan Mora. Fandino. Tu préférais la sensation aux triomphes. Le sentido. El sentimiento. Et tu aimais plus que moi les toros et les ganaderias. La vérité de la corrida. Tu aimais bien que les toreros se donnent un peu de mal et tu adorais qu’ils le fassent avec la manière. Bien sûr, le cartel nîmois de ce dimanche te parlait et tu avais prévu d’y venir. Seul ou avec ta fille. Sans le dire à personne. Tu n’as pas pu : tu es mort dans la nuit. Le cœur a lâché sans prévenir. Une « mort-descabello ». (suite…)